Lucas est mort dâune septicĂ©mie aux urgences de HyĂšres (Var), aprĂšs des heures dâagonie dans un couloir. Un autre patient, prĂ©sent ce jour-lĂ de septembre 2023, dĂ©nonce lâinaction des mĂ©decins.
Les minutes sâĂ©coulent au rythme des SMS de dĂ©tresse. Ce 30 septembre, les lĂšvres bleues, le palpitant Ă mille Ă heure, Lucas est emmenĂ© par les pompiers Ă 15h50 aux urgences dâHyĂšres (Var), aprĂšs de violentes douleurs Ă lâabdomen, survenues la veille au soir.
Le technicien de 25 ans, installĂ© sur un brancard dans le couloir, trouve Ă peine la force dâĂ©crire Ă sa maman, Corinne. Ă 18h02, il lui envoie : « Je me plains Ă tout le monde que jâai du mal Ă respirer. Mais personne ne fait rien. » Quatre minutes plus tard : « Jsp (je sais plus) quoi faire. Jâai tellement mal. » Elle : « Crie, jâen peux plus, au secours, dis que tu veux voir tes parents qui sont dehors. » Une infirmiĂšre lui fait une prise de sang. Puis plus rien. 18h17, ses SMS se font lapidaires : « Horrible maman, horrible. »
Ses parents aimeraient crier, forcer la porte des urgences mais les accompagnants nâont pas le droit dâentrer. Son cĆur de maman dĂ©chirĂ©, Corinne comprend instantanĂ©ment la gravitĂ© de son Ă©tat. « Lucas ne se plaignait jamais ! Sâil dit ça ne va pas, câest que ça ne va pas du tout », martĂšle cette fonctionnaire de 63 ans, habitante du Beausset, prĂšs de Toulon.
« Il rĂ©pĂ©tait, Ă bout de souffle, sâil vous plaĂźt, mais personne ne sâarrĂȘtait »
Dâune voix forte, sans jamais sâautoriser Ă vaciller, elle raconte heure par heure le calvaire de son fils, la passivitĂ© des blouses blanches, son agonie dans le silence. JusquâĂ la fin. « Jâavais trois enfants, il mâen reste deux. »
Ce soir-lĂ , dans le couloir, un autre brancard fait face Ă celui de Lucas. Damien, du mĂȘme Ăąge, le dos bloquĂ©, lâentend gĂ©mir durant des heures : « On voyait quâil souffrait le martyre. Un mĂ©decin lui a demandĂ© sâil avait fumĂ© du cannabis, sĂ»rement parce quâil avait des dreadlocks. Puis a conclu, en moins de 30 secondes, Ă une indigestion. Jâai ensuite compris que câĂ©tait plus bien grave en le voyant se tordre de douleurs. Il rĂ©pĂ©tait, Ă bout de souffle, sâil vous plaĂźt, sâil vous plaĂźt, mais personne ne sâarrĂȘtait. »
Lucas est en rĂ©alitĂ© victime dâune infection Ă mĂ©ningocoque dont la souche particuliĂšre attaque son ventre. Sans antibiotique, il ne survivra pas. « Vers 21h30, il Ă©tait assis sur son brancard et dâun coup, il sâest effondrĂ©. Deux infirmiers sont passĂ©s devant lui sans le regarder. Jâai criĂ© au troisiĂšme : Excusez-moi, il fait un malaise ! »
« Vous avez tué mon fils ! »
LĂ , tout va trĂšs vite : il entend « 5,3 » de tension, le mĂ©decin arrive. « Le dĂ©but de la fin », soupire Damien, qui fait dĂšs le lendemain un signalement au procureur. Lucas nâaurait reçu une injection dâantibiotiques que vers minuit trente, aprĂšs presque neuf heures dâattente. Mais il est dĂ©jĂ dans le coma. Lâinfection qui sâest rĂ©pandue dans son sang lui provoque deux arrĂȘts cardiaques. Les parents, enfin autorisĂ©s Ă entrer, assistent au sauvetage impossible. Son pĂšre hurle : « Vous avez tuĂ© mon fils ! »
Les jours suivants, la famille dĂ©couvre un courrier anonyme, tamponnĂ© des urgences, dans la boĂźte aux lettres de Lucas. Avec Ă lâintĂ©rieur, son dossier mĂ©dical. Comme une sĂ©rie de preuves laissĂ©es Ă la famille qui a portĂ© plainte pour homicide involontaire contre lâhĂŽpital. ContactĂ©e, la direction de lâĂ©tablissement nous rĂ©pond « quâen raison du secret mĂ©dical, elle nâest pas autorisĂ©e Ă divulguer les dĂ©tails du dossier du patient ». Ă la famille, ajoute-t-elle, « nous avons prĂ©sentĂ© nos sincĂšres condolĂ©ances ».
Je te crois, je ne fais que rĂ©pĂ©ter ce quâon mâa dit.